Réforme des politiques publiques dans le domaine de la logopédie 0-20 ans en Suisse romande : entre reconfiguration de l‘identité professionnelle des logopédistes et déplacement des frontières existantes avec l’enseignement

Abstract

Cette communication s’inscrit dans le cadre d’une recherche doctorale en cours qui s’intéresse au diagnostic de dyslexie « en train de se faire » (Jutel & Nettleton, 2011), centrée sur le travail concret des logopédistes auprès d’enfants en âge d’être scolarisés. En corollaire de l’étude du travail réalisé en cabinet, l’enquête de terrain basée sur un corpus d’enquête et un corpus documentaire traite des transformations contemporaines traversant cette profession en Suisse romande et des tensions à l’œuvre avec l’enseignement, profession voisine, à la fois concurrente et « alliée » (Tain, 2016 ; Woollven, 2015). Émergeant à partir des premières décennies du 20ème siècle, la logopédie romande s’étend dès les années 1950 et s’institutionnalise à mesure que le diagnostic de dyslexie se consolide et que se créent les associations professionnelles et formations universitaires romandes dans le domaine. Aujourd’hui, la logopédie est devenue une profession « incontournable », notamment dans la prise en charge des difficultés dites sévères en apprentissage de la lecture. Alors que la responsabilité de la prestation et du financement des services de logopédie 0-20 ans oscillent entre l’enseignement et les services de santé publique depuis leur création, la mise en œuvre de la Réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre cantons et Confédération (RPT, 2004/2008) et de politiques scolaires dites inclusives les années suivantes ont pour effet de rapprocher la logopédie de l’école. Les prestations en logopédie sont désormais désignées sous le label « mesures pédago-thérapeutiques » et les ressources liées aux prestations font l’objet d’une dotation régionale issues des budgets de l’instruction publique. Ce nouveau maillage législatif – qui a fait l’objet d’âpres négociations entre l’État et la principale association professionnelle locale – joue un rôle cardinal dans les changements que la logopédie locale connaît actuellement tant à l’intérieur de la profession que vis-à-vis de l’enseignement. Cette communication sera l’occasion de discuter des répercussions qu’ont les dispositifs de gestion (directives, processus, formulaires) récemment développés en réponse aux nouvelles politiques publiques, sur l’identité professionnelle des logopédistes. Nous verrons que ces dispositifs, basés sur des principes de rationalisation et de standardisation du travail, tendent à écarter les logopédistes de leur cœur de métier « traditionnel », participant à une reconfiguration de leur identité professionnelle qui semble être progressivement orientée par de nouvelles exigences organisationnelles plutôt que professionnelles (Evetts, 2003 ; 2011) – évaluer plutôt que traiter, coacher plutôt que soigner. Nous discuterons également des répercussions que ces changements politiques et administratifs ont sur les frontières poreuses et sensibles qui séparent enseignement et logopédie en participant à un recalibrage de la division du travail entre ces deux professions.

Références bibliographiques Jutel, A., & Nettleton, S. (2011). Towards a sociology of diagnosis: reflections and opportunities. Social science & Medicine, 73(6), 793-800.

Evetts, J. (2003). The sociological analysis of professionalism: Occupational change in the modern world. International sociology, 18(2), 395-415. Evetts, J. (2011). A new professionalism? Challenges and opportunities. Current sociology, 59(4), 406-422. Tain, L. (2016). Le métier d'orthophoniste : langage, genre et profession. Presses de l'École des hautes études en santé publique. Woollven, M. (2015). L’orthophonie et les troubles du langage écrit : une profession de santé face à l’école. Revue française de pédagogie, 190, 103-114.